Collection Schibboleth

États du symbolique

Depuis L’Homme Moïse et la religion monothéiste, en passant par Freud, Rothko, Appelfeld… – Droit, Loi, Psychanalyse –

Rothko pensait que ses tableaux résultaient d’une mise en travail d’un rapport au monde et à soi, d’une façon de l’envisager et de s’envisager. Les États du Symbolique s’ouvrent par une de ces oeuvres de symbolisation dont la puissance, la force de représentation et de mise en présence éclairent le vacarme vertigineux de nos actualités — qui enchaînent les signes de désorientation et de confusion, d’effacement des limites, de violences tous azimuts… et trahissent une déchirure du tissu du Symbolique, un délitement des symboles et références en usage.

Alors ? Comment ça va mal aujourd’hui ?
Comment penser ce bouleversement ? Est-il signe de destruction ou de transformation ?
Pour éclairer ce malaise, cette crise, pour repérer le rôle que nous pouvons y jouer, il faut revenir à ce qui fonde ce Symbolique comme dimension de la réalité humaine ; revenir à ce je ne sais quoi, ce presque rien, qui participe au développement de l’enfant, à l’organisation de l’adolescence, à la construction du sujet politique ; revenir à ce fonds commun, noué autour d’une loi, d’une grande idée, d’une vérité historique, intriquant tradition et création, individuel et collectif, identité, appartenance et filiation : à ce que transmettre veut dire…

Un tel retour soulève nombre de questions : que deviennent les grands récits fondateurs, les Commandements et les interdits structurants (de l’inceste et du parricide), le complexe d’Œdipe, les rites de passage, le Nom-du-père, les Structures élémentaires de la parenté, la figure du Grand Homme… ? Qu’est-ce qui aujourd’hui étaie la sublimation des pulsions et l’intellectualité, les échanges, la temporalité, la subjectivation, la sexuation, l’intergénérationnel… ? Parmi les nouveaux symboles qui se forment, comment reconnaître ceux qui contribuent à une vie de l’esprit, à un mouvement de civilisation, et ceux qui ne sont qu’idoles, contrefaçons et autres leurres incantatoires ?

Afin de formuler les questions de cette problématique sociétale, de cet enjeu civilisationnel et politique, SCHIBBOLETH — ACTUALITÉ DE FREUD — réunit des auteurs de référence dans leurs disciplines respectives : la psychanalyse, la psychiatrie, le droit, la philosophie et l’anthropologie, la sociologie, le monde du travail, de l’éducation et des médias, l’analyse des discours, l’histoire, les religions, les sciences humaines, politiques, sociales et du vivant, la bio-génétique, les arts et la littérature… dans une même démarche promouvant une clinique du contemporain.

Après tout, « le bonheur ne serait pas le bonheur sans une chèvre qui joue du violon ».

Les auteurs :

A. Appelfeld, J.P. Winter, P. Bruckner, É. Marty, R. Draï, B. Golse, D. Brun, J.J. Moscovitz, B. Karsenti, Ch. Hoffmann, I. Beller, M. Vacquin, M-A. Ouaknin, M. Bar Zvi, I. Morgensztern, Ch. Rothko, P. Zawadzki, E. Enriquez, E. Jeuland, J. Amar, J. Ludin, C. Ehrenberg, S. Nizard, J. Tarnéro, P. Bantman, M. Cohen, Ph. Robert, G. Maury,
S. Tyano, M. Vincent, M. Shalev, G.E. Sarfati, V. Chetrit-Vatine, F. Gerber, S. Wiener,
G. Gachnochi, H.Vacquin, M. Bacherich, M. Nestelbaum Guez, H. Trivouss-Widlöcher,
K. Nassikas, B. Edelman, D. Mendelson, É. Chiron, C. Trono, L. Bantman,
A. Nuselovici-Nouss, Sh. Kron, Th. Moreau, O. Lellouche, C. Leinman, M.G. Wolkowicz.

Œuvres de :

M. Rothko, O. Lellouche, M. Kadishman, C. Leinman, M-A. Ouaknin,Retour ligne automatique
M. Chetrit, L. Bantman, K. Nassikas, M.G. Wolkowicz

Auteur : Sous la direction de Michel Gad Wolkowicz
Editeur : Ed, In Press
Date de parution : 25 juin 2014
ISBN : 978-2-84835-287-9
Tarif : 29 €

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ARGUMENT

Préliminaire

Le présent livre marque une étape dans un cheminement de pensée. Il procède d’un questionnement sur plusieurs notions de fond touchant à la civilisation comme processus et comme élément individuel et collectif. 
Inscrit dans la suite de l’étude menée sur « la psychologie de masse », ce questionnement s’est d’abord porté vers les « fondements du Symbolique », en lisant L’Homme Moïse et la religion monothéiste de S. Freud. Ce premier état fut recueilli dans l’argument (I) envoyé aux auteurs ici réunis. 
On comparera avec profit ce commencement, tant à la construction de cet ouvrage, aux thèmes qu’il traite, qu’à l’argument (II) qui initie le colloque se tenant à la Sorbonne tandis que ce livre paraît. Les écarts et les lignes qui se dessinent alors indiquent ce que nos questions sont devenues, ont révélé ou suscité en se rencontrant avec la réalité, avec l’évolution du monde, mais encore, avec les auteurs conviés au débat ; elles sont le fruit des transferts et des échanges menés avec et par chacun de ces derniers, porteurs cette étude — jusqu’à ses lecteurs et à ses auditeurs.

I – LES FONDEMENTS DU SYMBOLIQUE, AUJOURD’HUI

« Le Moïse ne lâche pas mon imagination », écrivait Freud à A. Zweig le 2 mai 1935.

Relire L’Homme Moïse et la religion monothéiste, emblématique dernier ouvrage de Freud pour réfléchir les États du Symbolique, aujourd’hui ? 
Il y a une raison de méthode, propre au travail qui se poursuit ici d’une relecture de Freud vers notre actualité, et fait suite au précédent ouvrage traitant de La Psychologie de Masse, aujourd’hui. Nous partons d’un texte de Freud et le confrontons à d’autres pensées soutenant la gageure de la question choisie.
Il y a ensuite une raison thématique : le premier épisode de notre réflexion nous a fait considérer la vie en société, l’articulation de l’individuel et du collectif, et nous a conduits devant ce vecteur nécessaire à la construction individuelle ou collective : le Symbolique.


Après avoir fait, avec Le Moïse de Michel-Ange en 1913, une apparition remarquable dans l’œuvre de Freud par la confrontation et le trouble qu’elle raconte et étudie, et tout aussi remarquable par son anonymat (Freud ne l’a reconnue qu’en 1924), Moïse revient in extremis dans l’œuvre et dans la vie de Freud, bousculant les statuettes grecques, figures égyptiennes, antiquités romaines peuplant le bureau transporté à Londres depuis Vienne — Moïse revient, comme le Refoulé ?
L’entreprise de L’Homme Moïse et la religion monothéiste, reprise du geste de la Traumdeutung, sera pour Freud, prenant à bras le corps la question de la vérité matérielle et celle de la vérité historique, une épreuve psychique — celle qui instaure le principe de réalité et l’exigence de se souvenir au fondement du travail de civilisation, et pose ensemble le « roc de l’événement » avec le fantasme comme articulation de la destinée humaine. 
La première phrase du livre (« Enlever à un peuple l’homme qu’il honore comme le plus grand de ses fils n’est pas une chose qu’on entreprend volontiers ou d’un cœur léger, surtout quand on appartient soi-même à ce peuple. ») évoque le roman individuel et familial fantasmé de Freud.
Et c’est ainsi que, dépeçant un mythe fondateur de la religion des siens, et faisant de Moïse un étranger — un étranger du dedans, un surmoi intériorisé —, une construction psychique, qu’il fonde sur une décision plutôt que sur le témoignage des sens et des sangs, Freud met en pièces l’image du père, et ce faisant, écrit une histoire de la « formation du Juif », trace une généalogie de la pensée et du développement de la culture.
Ce « Moïse » de Freud s’est écrit en lisant le Livre certes, mais encore en regard de l’œuvre « biblique » de Thomas Mann, dans la filiation de Gœthe, autant que dans une réflexion interrogeant tout à la fois la consistance et la persistance du peuple juif et celles de l’antisémitisme. 
De sorte que son développement intrique et nous invite à reconsidérer ensemble la rencontre de l’individuel avec le collectif, celle de la fiction avec la recherche historique, telles qu’à l’œuvre dans l’élaboration (du) s(S)ymbolique propre à la création, qu’elle soit artistique ou scientifique ; mais aussi, au cœur d’une actualité intempestive, l’enjeu que porte le peuple Juif autour de la paternité, de l’originaire et de la filiation, pris comme construction et comme responsabilité de pensée et d’action qui relient ontologiquement les êtres humains les uns aux autres.

Avec la parole de D.ieu et l’énonciation de la Loi, le récit biblique noue dans le même processus l’après-coup du traumatisme et l’élaboration de la dimension symbolique, passant de l’ego altéré à l’alter ego, par et de la prohibition de l’inceste, par et de l’interdit de l’assassinat — à la construction d’un lieu pour un avoir lieu, produisant sens et réalité.

L’opération Moïse — de dénaturalisation de l’homme Moïse, de dématérialisation de D.ieu, d’un processus de nomination anti-idolâtre, associés aux « refusements » éthiques de la perception immédiate et de la satisfaction pulsionnelle sans limite, des illusions narcissiques, comblantes ou enchanteresses — participe au dégagement de la figure sculpturale du Père de la masse compacte, inaugurant un bouleversement du fonctionnement psychique, un progrès de l’intellectualité, une conquête du lisible et de l’abstraction sur le visible et le sensible, l’accès à la castration et à la dette symboliques, à la différence des sexes et des générations, à la division du sujet et à l’intériorisation d’une temporalité, à « la relation d’inconnu », à la présence-absence, qui ouvrent le champ du transfert et de l’intra-subjectivité.

Lacan met au travail le Symbolique (distinct de la symbolique) à partir de 1953 pour désigner l’un des trois registres essentiels de la réalité humaine, celui qui est structuré comme un langage ; dans la notion même, il fait se rencontrer Freud, Lévi-Strauss et Jacobson, la psychanalyse, l’anthropologie et la linguistique.

Le Symbolique donc ? 
Pas un Totem, ni un Fétiche, plutôt un gisement, une constellation de référents, représentations, figures, personnelles et collectives, héritées ou à transmettre, traduites ou à créer ; instance tierce par laquelle on distingue, dans la réalité, le double de l’imaginaire et l’un-réel ; ou, Référence, Commandement, Repère, Interdit qui participent à une conflictualisation interne et qui préservent l’espèce humaine ; ou encore, plus généralement, ce qui fait tenir ensemble, et s’oppose, en étymologie, à ce qui disperse (le diabolique) : ce qui distingue face à ce qui confond… Rappel via l’étymologie de la dialectique, de la dynamique, de la respiration propres à la symbolisation qui brise et institue le symbole, ou encore, écarte, reconnaît et se laisse saisir par l’étranger et la métaphore. Symbole, vivant-animé dès lors qu’attention est portée à l’écueil inhérent à son institutionnalisation.

En « cherchant à acquérir une connaissance de la personne de Moïse » (Introduction de la première version, 1934), Freud interroge le « grand homme », Der Grosse Mann. Il fait de l’histoire de Moïse une fiction de l’origine du Symbolique. Histoire d’un homme avec son peuple, histoire d’un peuple avec l’un de ses Grands Hommes ; et, plus loin, l’histoire d’un peuple parmi les hommes. 
Histoire toujours à reprendre, comme le Symbolique se fonde et se refonde, tout au long de la vie d’un homme ou de celle d’une société, depuis qu’on le reçoit, jusqu’à ce qu’on le transmette. Dans l’entre tradition, travail de transcendance et imagination, dans le nouage du désir, de la Loi et du rêve.

L’effet Moïse participe au devenir Mensch et au progrès de la Geistigkeit, faisant travailler cette tension que l’Alliance produit. Il conduit sur la voie d’une indispensable transcendance pour que l’homme saisisse le sens de sa finitude et l’effort constant nécessaire pour la dépasser.

Wladimir Granoff (« Dans le Silence des Pères ») demande : « Pères, ne voyez-vous pas ce qui nous est arrivé ? » Nos monothéismes, dont la psychanalyse aura peut-être été le dernier éclat dans et de sa forme profane, auraient-ils achevé leurs trajectoires ? Serions-nous passés du refoulement constitutif, de la transmission phylogénétique du parricide et de l’institution du père par les fils, de la mémoire, de la temporalité, de la symbolisation dans le nouage du complexe d’Œdipe — à la forclusion ? Et encore, serait-il trop tard pour crier comme Freud dans son rêve : « Pères, ne voyez-vous donc pas que nous brûlons ? ».
Alors, réfléchir « les fondements du Symbolique, aujourd’hui », en s’adossant au « testament » L’Homme Moïse et la religion monothéiste, écrit depuis 1934, d’abord tenu dans le secret et paru entre 1937 et 1939, dans le mouvement de l’exil et juste avant la Shoah, celle-ci étant bien l’aboutissement d’une culture et d’une volonté de destruction des référents symboliques – en tant qu’ils sont consubstantiels à l’être comme question, qu’ils participent tout à la fois à et de la constitution du matériau psychique humain, l’intériorisation d’universaux civilisationnels et la perlaboration de leurs enjeux ?

Relire le Moïse, c’est aussi replier l’actif de notre lecture sur la métapsychologie, en y incluant le dernier acquis freudien, le clivage du moi, concernant le fonctionnement de l’esprit, avec les spéculations du « roman historique ». C’est se retrouver entre identité et appartenance, singulier et collectif, filiation et transmission, humain et déshumain, sur la crête de l’un-fidélité retrouvée en son peuple et en le voyage des noms.

L’hébreu dit libnot, « Tu diras à ton fils », comme cela figure dans les Haggadot de Pessah (le récit de la sortie d’Égypte), « Tu construiras tes enfants et tu te bâtiras par tes enfants » : La question de l’héritage et la perspective phylogénétique ne viendraient-elles pas dialectiser une approche et un travail de la culture qui la feraient échapper aux déterminations objectivistes des grilles sociologiques ?

La modernité, par ce qu’elle produit, interroge le relativisme qui rend la démocratie impuissante face à la barbarie. A-t-elle placé ses espoirs dans une raison coupée d’une réflexion sur la fin de l’homme et sur le but de son existence ? Contrairement à ce qu’affirmait Hegel, tout ce qui est réel n’est pas totalement rationnel et tout ce qui est rationnel n’est pas réel. 
Lorsqu’il refuse le principe de la paternité, du lien à l’origine, de la filiation, un homme, un peuple tenteraient-ils d’échapper à la loi de l’interdit fondateur, revendiqueraient-il un droit sans cesse plus étendu sur l’ensemble des étants ? N’est-ce pas le sens de la limite, le sens de la mesure qui permet d’éviter l’hubris et préserve la démocratie d’elle-même et des dangers qui la menacent ? Qui l’oublierait ne verra-t-il pas sa liberté si chèrement acquise menacée de l’intérieur ? 
L’existence de l’homme s’inscrit dans une communauté qui le précède et dont chacun, pour être soi-même, ne peut ignorer la vocation, condition indispensable pour que la destinée individuelle se réalise dans le cadre d’une destinée universelle.


Les États du Symbolique, aujourd’hui, dans le sillage d’Imago et de la démarche freudienne, visent à définir et étudier le Symbolique, pour en dégager les invariants et universaux, éventuels ou potentiels, susceptibles de produire un processus de symbolisation et de sublimation, aussi bien que les refus, résistances et entraves à celui-ci dans le fonctionnement psychique de l’individu, des relations inter-humaines et sociales et au niveau de la construction du collectif.

La Civilisation en serait-elle toujours au malaise ? Ou bien à une involution, une régression ? Quels en seraient alors les signes, les manifestations, les états de langue, les dysfonctionnements et les évolutions sociétales ? Quelle psychopathologie fondamentale, avec ses formes individuelles et ses formations sociales symptomatiques ? Quelle valeur accorder à l’hypothèse souvent évoquée d’un affaiblissement du Symbolique ? Quels sont les éléments cliniques qui l’étaieraient ? Quelles conséquences y aurait-il à la défaillance des processus de symbolisation ? Quels montages supplétifs y répondent ? 
Sont ainsi convoquées la place éthique des sciences humaines et du discours de la science, une réflexion sur le monothéisme, ou les « monothéismes », les biotechnologies, les « nouvelles » parentalités, les formations intermédiaires, les « frontières », les passages, les groupes et espaces trans-subjectifs, les aires culturelles, le transgénérationnel, les institutions (l’Enseignement, la Justice, le Travail, l’Armée, la Religion, le Sport, etc.), les modalités modernes de communication et de constitution des communautés, de la horde au groupe, du groupe à la famille, les réseaux, l’identité et les sentiments d’appartenance ; le développement de l’enfant et les organisateurs psycho-socio-sexuels de l’adolescence, la fonction du jugement, le don et le sacrifice, le rapport en Droit entre les procédures et les relations symboliques ; la « règle fondamentale » dans la situation psychanalytique ; et jusqu’aux processus de symbolisation et de figuration dans la création artistique (arts et littérature).


II – États du Symbolique. Droit, Loi et Psychanalyse

La clinique du contemporain met à jour une forme de Malaise dans la civilisation dont les symptômes concernent le rapport aux limites notamment dans la science (ex., la biotechnologie), la langue (ex., la « quenelle »), les normes (ex., l’« évaluation ») et la famille (ex., la « nouvelle parentalité »). Ces constats conduisent à nous interroger sur les repères structuraux et les États du Symbolique. Il s’agit de définir et d’étudier les fondements anthropologiques et ce qui structurellement participe aux processus de symbolisation et de sublimation, aussi bien qu’aux refus, résistances, attaques et entraves à ce qui et ce que porte le Symbolique. Qu’est-ce qui fait tenir ensemble les membres d’une société si ce n’est l’identification, des paroles et des symboles ? Du point de vue de la métajuridique, il convient de s’interroger sur les notions fondatrices de loi et de lien. Qu’est-ce aujourd’hui que la norme au regard des rapports juridiques entre les hommes et les femmes ? Dans ce monde « toute culture, écrit Lévi-Strauss, peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion. Tous ces systèmes visent à exprimer certains aspects de la réalité physique et de la réalité sociale, et plus encore les relations que ces deux types de réalité entretiennent entre eux et que les systèmes symboliques eux-mêmes entretiennent les uns avec les autres ». C’est effectivement au niveau du Symbolique que se déploient certains des affrontements les plus caractéristiques de notre temps.

Ce que l’on peut appeler les organisateurs psychiques de la pensée – autrement dit les repères mentaux – sont-ils menacés ? Sur quoi la société tient-elle et comment notamment repenser aujourd’hui les thèmes du totem et du grand homme tels que Freud les a exposés dans Totem et tabou et L’Homme Moïse et la religion monothéiste ? L’amour, la morale, la liberté, l’égalité, la fraternité, l’harmonie a-conflictuels, la paix-à-tout-prix sont-elles des valeurs susceptibles de se substituer à la vérité historique et la temporalité, à la sexuation à la base des limites, des échanges, et constitutifs des processus cognitifs supérieurs, de l’intellectualité jusqu’à l’abstraction ? Le recours généralisé incantatoire aux Droits de l’Homme, à l’universel, en période de crise polymorphe profonde, a-t-il pour vocation, et pour effet, de se substituer au Droit, au Politique alors défaillant ? Le droit est-il sacrifié par les juristes eux-mêmes se conformant à la concurrence des désirs, des mémoires, de l’idolâtrie de la victimisation ?
C’est donc une réflexion sur le droit, la loi mais aussi le lien qu’il convient d’entreprendre. En effet, au cœur de ce débat, interrogeant ce qui serait constitutif d’un « fonds commun » à une communauté, un peuple, à l’humanité, au travers les rapports tradition/création, singulier/collectif, privé/public, sacré/profane, humain/déshumain, et ce que c’est que transmettre une filiation conflictualisable, résident les notions d’alliance et d’échange, et au cœur de ces notions celle du symbolique.
L’éthique de la conviction doit s’écarter quelques temps pour laisser la place à l’éthique du chercheur impliquant de prendre en compte les différents regards des disciplines concernées. Il importe, en Sorbonne, de contribuer au débat avec rigueur et ouverture d’esprit et d’affronter les questions les plus difficiles. Il convient de reprendre de façon fondatrice la symbolique de la loi en s’interrogeant à la fois sur la métapsychologie qui est à l’œuvre et sur la métajuridique en jeu.

Michel Gad Wolkowicz, Alexis Nouss, Thibault Moreau, avec Raphaël Draï et Emmanuel Jeuland


Avec la participation de :

Martine Bacherich, Isi Beller, Jean-Pierre Winter, Paul Zawadzki, Régine Waintrater, Pascal Brückner, Raphaël Draï, Christian Hoffmann, Georges Bensoussan, Isy Morgensztern, François Villa, Michaël Bar Zvi, Béatrice Gonzalès-Vangell, Alexis Nouss, Denis Charbit, Marc-Alain Ouaknin, Pierre-André Taguieff, Jean-Jacques Moscovitz, Tobie Nathan, Viviane Chetrit-Vatine, Emmanuel Jeuland, Guy Maury, Jacques Tarnéro, Pierre-Antoine Chardel, Monette Vacquin, Bernard Golse, Sam Tyano, Michel Vincent, Michel Granek, Luc Rosenzweig, Jacques Amar, Josef Ludin, Kostas Nassikas, Corine Ehrenberg, Colette Leinman, Georges-Élia Sarfati, Annie Roux, Fanny Gerber, Maya Nestelbaum Guez, David Mendelson, Thibault Moreau, Georges Gachnochi, Cosimo Trono, Sophie Nizard, Bernard Grelon, Henri Vacquin, Natalie Felzenszwalbe, Éric Sutter, Georges-Arthur Goldschmidt, Daniel Sibony, Jean-François Solal, Ofer Lellouche, Eugène Enriquez, Michel Gad Wolkowicz.
Entretiens : Claude Lanzmann (avec Isi Beller, Jean-Jacques Moscovitz et Michel Gad Wolkowicz), Éric Marty (avec Jean-Jacques Moscovitz, Jacques Tarnéro, Thibault Moreau, Michel Gad Wolkowicz), Jean-Pierre Lefèvre (avec Alexis Nouss, Thibault Moreau), Dany Karavan (avec Ofer Lellouche et Michel Gad Wolkowicz) Aharon Appelfeld (avec Patrick Bantman et Laurence Bantman)